Bisexualité dans les médias, Big Mouth
Depuis Noël, j'ai accès à un compte Netflix généreusement fourni par une personne avec qui je suis en relation. Et j'ai pu donc me rattraper sur les productions médiatiques des dernières années, et notamment voir le regard porté sur la question de la bisexualité. Et pour l'article d'aujourd'hui, j'ai décidé de me consacrer à Big Mouth, une série Netflix sortie en 2017.
Comme l'explique Wikipedia, la série suit des élèves de 5ème confrontés à la puberté et tout les changements que ça entraîne, notamment d'un point de vue sexuel et relationnel. Et avant d'aller plus loin, je dois prévenir tout de suite que je vais parler de l'intrigue et sans doute spoiler le scénario.
Le show, bien qu'étant globalement progressif, a parfois quelques représentations imparfaites. Par exemple, l'épisode 15 parle de vasectomie, mais ne rentre pas vraiment dans le détail, ce qui est un souci à mon avis. Il n'y aucune discussion sur les questions de genre, pas de personnages trans. Mais le point qui m'a le plus chagriné est au sujet de la représentation des 2 personnages bisexuels.
Le premier est Shannon Glaser, la mère de Jessie. Shannon est mariée et vit avec le père de Jessie, Greg, un fumeur de joint sans emploi. Et leur relation va mal au point que Shannon trompe son mari avec Dina Reznick, une chanteuse qu'elle voit en cachette avant que sa fille ne l'apprenne.
C'est assez clairement un personnage bisexuel mais à aucun moment le mot "bisexualité" n'est prononcé. Dans l'épisode ou sa fille décide de lui demander, Shannon réponds qu'elle est encore en train de se chercher. On peut donc voir qu'il y a plusieurs clichés sur le sujet. Le premier, c'est évidement le fait qu'être bisexuel, ça implique de mentir et de ne pas être honnête. Shannon ment à sa famille mais aussi demande aux ami-e-s de sa fille de lui mentir.
Le deuxième cliché découle de la situation. C'est la seule famille qui se déchire et on constate que Shannon met son bonheur avant celui de sa famille, ou du moins, c'est la perception de sa fille qui va constamment se confronter à elle sans jamais en vouloir à son père pour la situation. Elle est donc perçu comme égoiste.
Et le 3ème cliché est Shannon est indécise tout du long sur sa sexualité. Ça passerait si c'etait temporaire dans le cadre de l'évolution du personnage, mais c'est dommageable si ça ne se résoud pas à un moment.
C'est une première série de clichés, et ce n'est qu'un échauffement par rapport à la suite.
La fin de la saison 2 apporte un second personnage bisexuel, Jay Bilzerian. Jay est un collégien originaire d'une famille clairement dysfonctionnelle. Son père trompe sa mère, sa mère est dépeinte comme étant folle, ses frères comme des barbares, la maison est mal rangé. Jay souffre d'un manque d'affection au point d'aller espionner la famille de son ami Nick en cachette. Il est tellement submergé par ses pulsions qu'il se retrouve à faire l'amour à un oreiller (Pam), puis à un tapis de bain dans la saison 1. À la fin de la saison 2, il remets en cause sa sexualité quand il se retrouve à embrasser Matthew, le seul personnage gay du show. On le retrouve aussi à faire l'amour avec Suzette, un oreiller codé comme féminin, puis avec Brad, un coussin codé comme masculin. Suzette lui fait d'ailleurs la remarque, pointant qu'il est littéralement dans le placard quand elle surprends Jay en train de la tromper avec Brad. Elle dit plus tard que soit il aime les femmes, soit les hommes, mais pas les 2, et qu'il doit choisir, et mettre le feu à Brad.
Et quelques scènes plus loin, Jay s'apprête à parler de tout ça, et tombe sur Suzette en train de faire un 69 avec Brad (qui est donc lui aussi bisexuel), puis les 3 se retrouvent à faire un plan à trois.
Repassons les clichés au ralenti. On a d'abord un bon exemple de biphobie, tranquillement balancé sur base de "si tu aimes les hommes et les femmes, alors tu aimes les hommes". Quand il est pris sur le fait, Jay dit clairement "je ne sais pas, je suis confus". On retrouve le cliché qu'être bisexuel, c'est forcément trompé son ou sa partenaire aussi bien pour Jay que pour Brad. Et donc, tout comme Shannon, la morale est que les personnages ayant des comportements bisexuels sont non fiables.
Dans le cas de Jay, on peut aussi rajouter qu'il se retrouve dans un plan à trois, qu'il ments à Pam sur son âge dans la saison 1, et qu'il est totalement obsédé. On le voit aussi par exemple prendre l'oreiller d'Andrew pour coucher avec lui malgré le fait qu'on lui dit de ne pas le faire, ou aller voir son voisin en train de faire l'amour avec sa voisine dans le même épisode. On va aussi de facto associé son comportement déviant à sa famille.
Il ne manque que les MSTs comme dernier stéréotype, mais heureusement, c'est assez dur de caser ça pour des gamins de 5ème.
J'aime beaucoup la série parce qu'elle est drôle et tente d'aborder les problèmes par le bon coté. Mais pour un show datant d'il y a 2 ans, c'est triste de retrouver les mêmes clichés que d'habitude. J'espère que les saisons suivantes vont changer ça.
La prochaine fois, je parlerais de Lucifer et Brooklyn 99, deux autres séries que j'ai regardé sur Netflix.