Premier article

Si j'en crois Reddit, une majorité de la 40aine de personnes qui ont répondu à la question "quel âge aviez vous quand vous avez compris que vous étiez bi ?" l'a compris ça à l'adolescence. Bien sur, c'est non représentatif (entre la taille de l'échantillon, l'orientation americano-centré et sans doute des tas de biais lié à Reddit), mais on retrouve des chiffres similaires ailleurs, avec divers journaux qui citent 7% dans les générations plus jeunes.

Mais, c'est pas mon cas. Jusqu'à la semaine dernière, je me suis toujours dit "je suis hetero". Et c'est pas faute de ne pas avoir été au courant d'autres choses. J'ai eu plusieurs partenaires bisexuelles, certaines plus impliquées que d'autres dans les causes LGBT. Je n'ai jamais eu de souci avec mes collègues LGBT* aussi loin que je me souvienne, j'ai déjà roulé des palots à 2 amis mâles (un devant notre patron, l'autre devant sa copine), j'ai partagé des chambres avec mes potes gays plus d'une fois, et rien ne m'a posé de souci. Mais je ne me suis jamais dit "je suis attiré par autre chose que les filles". Et ce n'est pas faute de ne pas m'être posé la question, parce que je me le suis demandé au moins 2 fois pour arriver à la conclusion que non.

Qu'est ce qui m'a fait changer d'avis ?

Alors c'est une longue histoire, mais pour la suivre, il faut que je parle un peu de moi, ce que je tente d'éviter sur ce blog.

Parce qu'en dehors de ma sexualité nouvellement découverte, j'ai aussi eu un parcours atypique. J'ai vécu en colocation assez longtemps, mais jamais avec une partenaire, ou alors juste de façon temporaire. J'ai fini par faire une croix sur l'idée de couple en me disant que ça devait pas être pour moi. Je n'ai jamais voulu fonder une famille, et vivre seul à bien des avantages (comme le fait de partir du jour au lendemain dans un autre pays pour un mois). Du coup, à force de creuser les concepts du féminisme, j'ai fini par tomber sur le polyamour et ça m'a fait l'effet d'une révélation qui m'a paru couler de source. Je ne porte pas de jugement de valeur sur les gens à qui ça ne convient pas, mais c'était parfait pour concilier mon envie de liberté, et je ne suis pas vraiment confortable avec l'idée de limiter quelqu'un d'autre. Donc sans rentrer dans les détails, j'ai fini par devenir le vertex d'un bout de polycule avec une partenaire bisexuelle pratiquant l'anarchie relationnelle. Je passe le détail du diagramme de la polycule (le schéma des différentes relations et des partenaires), mais j'ai pu croisé 2 des autres personnes plusieurs fois, bi-e-s aussi, et 1 qui est resté lors de la soirée d'anniv de notre partenaire commune. Sans rentrer dans les détails, et au risque d'alimenter les clichés biphobes, la soirée s'est terminé sur le canapé à 3 sans nos vêtements respectifs. Et c'est la que je me suis dit "ok, y a peut être un truc". Parce que R, la 3eme personne, s'identifie comme non binaire, mais AMAB (Assigné Male At Birth). Et ça ne m'a pas dérangé, mais je me suis demandé exactement dans quel case ça rentrerais si j'avais une attirance pour R.

2 mois plus tard, ma partenaire décide de rompre. Bien que triste, la vie doit continuer, et je continue ma routine de lecture intensive sur les sujets qui m'intéressent pour me changer les idées. Et la, 3 choses arrivent.

La première, c'est de tomber sur une communauté reddit pour personnes bisexuelles sur r/bisexual. Et en lisant les commentaires, je tombe sur une définition légèrement différente de la bisexualité qui me fait comprendre que finalement, ce ne veut pas forcément dire avoir de l'attirance à part égal ou autre chose, mais que c'est plus large que ça. Je ne m'était jamais vraiment posé la question pour être franc, et bien qu'on m'avait expliqué les détails, je n'avais pas compris ça comme j'ai compris ce jour la. Pour les gens qui veulent la citation, c'est la première sur le site de Robyn Ochs (qui est à l'origine de la citation en question), ou sur celui la.

“I call myself bisexual because I acknowledge that I have in myself the potential to be attracted – romantically and/or sexually – to people of more than one sex and/or gender, not necessarily at the same time, not necessarily in the same way, and not necessarily to the same degree."

Je n'avais jamais discuté exactement de ça avec mes partenaires, ou pas à ce niveau de détails. Pour moi, je n'ai jamais eu de souci avec leur orientation qui était parfaitement normale, chacune est attirée par ce qu'elle voulait au final. Et je ne voulais pas faire preuve de curiosité qui aurait pu être un peu voyeuriste. Mais effectivement, le mot "potential" a débloqué l'idée en moi que si j'étais ok par l'attirance, alors c'était sans doute suffisant. Mais sur le coup, j'ai rien fait avec ça, et j'ai bien attendu 2h pour la suite.

La deuxième chose qui est arrivé, c'est que j'ai fini par faire quelque chose que j'avais pas fait depuis longtemps, à savoir m'acheter un jeu vidéo. Pour situer, le dernier jeu PC que j'avais acheté était StarCraft. Pas StarCraft II. StarCraft, premier du nom. Et pas la version remastered de 2017. Non la version originale, sortie en 1998. Bien sur, j'ai aussi joué à d'autres jeux sur consoles chez des amis, et j'ai aussi des jeux sur mon téléphone pour passer le temps, mais rien d'aussi immersif qu'un jeu sur PC. En parlant de nos émois respectifs¹ avec S., une amie, elle m'a dit "joue, ça va te changer les idées". Et M., une autre amie, m'a dit "Stardew Valley, c'est fun, il faut que tu essayes". Donc l'un dans l'autre, j'ai pris le jeu, et surprise, on peut draguer des gens sans se préoccuper du genre supposé². Du coup, je me suis posé la question de qui draguer parmi les 12 célibataires, en me disant sans trop y penser "On a le droit d'être bi dans le jeu, c'est cool". En pratique, je suis contre l'institution du mariage³, donc je n'ai pas été jusqu'au mariage dans le jeu mais c'est l'intention qui compte.

Mais ça, c'est pas important. Ce qui est important, c'est la troisième chose qui m'est arrivé. Après des heures de jeux, je suis parti me coucher et je me suis aperçu à mon réveil que finalement.. j'avais un crush sur R, suite à un rêve qui m'a laissé en émoi. Rien de spécifiquement explicite mais je suis assez rarement ému comme ça après un rêve.

Et ça, c'est ce que les anglophones appellent "le perfect storm". Et donc, après 2 jours de réflexion pendant mes congés, je me suis dit "ok, je suis peut être bisexuel". Et ce blog est la pour garder une trace de mon chemin.

Pour le moment, à part en discuter avec 2 personnes, je n'ai rien fait. R. habite pas vraiment à coté, et j'ai jamais été vraiment courageux avant. Mais je raconterais mes périples plus tard.