Rapport de minorité

Un des bénéfices de mon secteur d'activité est la relative liberté que j'ai dans mon travail, aussi bien sur l'endroit d'où je travaille que dans les horaires. J'ai largement usé de ces libertés par le passé, aussi bien pour dormir plus longtemps que pour bosser depuis n'importe où. Mais parfois, je n'ai pas trop le choix, notamment quand l'endroit d'où je bosse ferme plus tôt que d'habitude comme ce fut le cas aujourd'hui. J'ai donc eu le choix entre flâner en ville pendant 1h, ou tenter de rentrer pendant l'heure de pointe à Gare du Nord. Et la, j'ai pris l'option "Gare du Nord".

Et parfois quand je me retrouve dans la foule qui marche, l'image de la ville surchargée de Blade Runner me vient à l'esprit, malgré le beau temps et les immeubles bien moins hauts. Et en voyant la foule, j'ai aussi commencé à me poser des questions sur la vie des gens. Qu'est ce qu'ils et elles font, pourquoi ici, pourquoi à ce moment ?

Et bien sûr, je me suis demandé si j'étais la seule personne bisexuelle dans la foule.

Une étude de l'INSERM datant de 2008 a estimé à 4% le nombre de gens entre 18 et 69 ans ayant eu des pratiques avec une personne du même sexe en France. Un rapide passage par le site de l'INED nous donne une estimation à la louche de 38 millions de personnes dans cette tranche d'âge pour 2008, ce qui nous donne donc 1.5 million de personnes.

À coté de ça, d'autres chiffres nous donnent 200 000 personnes en couple du même sexe, soit 0.6% des couples. 2011, c'est avant l'ouverture du mariage pour tout le monde, mais les chiffres de mariages par la suite ne donnent pas vraiment des chiffres différents, avec 7000 à 10 000 mariages entre personnes du même sexe par an.

Sans grande surprise, il est impossible d'estimer la taille de la population bisexuelle en France sur la base des statistiques des mariages. Si on fait l'impasse sur les années d'écart entre les 2 dates, il y a quand même un ordre de magnitude entre la fourchette haute de 1.5 millions et la fourchette basse de 200 000 personnes en couple, en gardant une hypothèse d'un contingent assez large de personnes bisexuelles dans la communauté LGBT.

Mais soyons optimistes, et supposons que 4% est une mesure correcte, que tout les gens ayant eu une pratique sexuelle avec des gens du même sexe sont des personnes bisexuelles. Le couloir de Gare du Nord ou j'étais permet de faire tenir 7 ou 8 personnes de front, et je vais supposer qu'on peut facilement mettre au moins 50 personnes en longueur. On arrive donc à une estimation d'une foule de 400 personnes. Donc une estimation optimiste ferait dire qu'il y a 16 personnes bisexuelles, soit 15 autres que moi.

Une estimation moins optimiste de 1% de la population française étant LGBT, et de 30% de ce groupe étant bisexuel, on tombe sur 1.2 personne. Soit moi même.

Bien sur, c'est des chiffres de 2008 et les moeurs ont bougés. Et bien sur, 0.3% est une estimation sans doute trop basse. Même si une part des 4% ayant eu des expériences n'est pas bisexuelle, on peut au minimum supposer qu'une autre part l'est et le reste. Et on peut supposer aussi une plus grande partie encore dans le placard au vue de la question.

Mais ça reste quand même un petit déprimant au final.

C'est une chose de connaître le sens de "minorité".

C'est une autre de le voir en pratique.